Entre guerre, instabilité et coupures d’Internet, les ONG de l’Est de la RDC s’organisent pour défendre les droits humains
Published on 28 Aug 2025, 01:18 PM
Plus de 40 défenseur·e·s issus de 30 organisations différentes des droits humains se sont réunis en ligne les 11 et 12 août 2025 pour un atelier inédit
Dans un contexte marqué par la guerre, l’instabilité et les coupures fréquentes d’Internet, plus de 40 défenseur·e·s issus de 30 organisations différentes des droits humains se sont réunis en ligne les 11 et 12 août 2025 pour un atelier inédit. Organisé par le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH), la Fédération internationale des ACAT (FIACAT) et le Centre pour les droits civils et politiques (CCPR Centre), cet échange a permis aux ONG de l’Est de la République démocratique du Congo de se former aux mécanismes du Comité des droits de l’homme de l’ONU et de poser les jalons de futurs rapports alternatifs. Une mobilisation rare et courageuse, qui démontre la volonté de la société civile congolaise de peser dans le dialogue international sur les droits humains.
Une formation stratégique dans un contexte de crise
À l’initiative de trois organisations partenaires (le BCNUDH, la FIACAT et le CCPR Centre) l’atelier s’est tenu intégralement en ligne, un choix contraint mais porteur d’enseignements. L’objectif : préparer les organisations de l’Est de la RDC à contribuer efficacement au suivi du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Vous pouvez consulter la note conceptuelle ici.
Cette rencontre s’inscrivait dans la perspective de la session de mars 2026 du Comité des droits de l’homme, lors de laquelle sera adoptée une liste de questions à adresser au gouvernement congolais. En formant les ONG locales à la rédaction de rapports alternatifs, les organisateurs entendaient renforcer leur capacité à influencer ce processus international essentiel.
« Cet atelier montre que, même dans un contexte de conflit, la société civile congolaise reste en mesure de se mobiliser et de faire entendre sa voix, » souligne Emeline Swiderski, représentante de la FIACAT. « La qualité et la diversité des contributions reçues prouvent que les ONG de terrain sont prêtes à jouer un rôle central dans la défense des droits humains en RDC.»
Entre défis logistiques et instabilité sécuritaire
Les obstacles n’ont pas manqué : coupures répétées d’Internet, contexte sécuritaire volatile, ciblage des défenseur.es des droits humains, changements ministériels fréquents dans les portefeuilles de la justice et des droits humains. Malgré ces difficultés, la participation est restée dense et engagée.
« L’enjeu était de trouver une méthodologie adaptée à une rencontre virtuelle, tout en garantissant une participation active et constructive des défenseurs, » explique Asita Scherrieb , du CCPR Centre. « Le résultat a dépassé nos attentes : les échanges ont permis de consolider les connaissances et de renforcer les réseaux entre ONG. »
Des axes thématiques pour structurer le plaidoyer
Les discussions ont été organisées autour de six grands axes, allant de la lutte contre la discrimination à la protection des réfugiés, en passant par la liberté d’expression et l’interdiction de l’esclavage.
Chaque groupe a produit des analyses précises :
- Cadre institutionnel et juridique : examen des institutions nationales de droits humains et du cadre constitutionnel.
- Discrimination et protection des groupes vulnérables : attention particulière aux minorités sexuelles, aux peuples autochtones et aux enfants en conflit avec la loi.
- Liberté et sécurité de la personne : dénonciation des détentions arbitraires, des exécutions extrajudiciaires et des conditions carcérales.
- Vie privée et libertés fondamentales : réflexion sur la liberté de réunion, d’expression et de religion.
- Participation politique et droits des étrangers : exemples concrets sur la situation des réfugiés burundais.
- Esclavage et travail forcé : mise en lumière des défis liés à la traite des êtres humains et à l’esclavage moderne.
Pour un des participants, membre d’une ONG locale de défense des droits humains, l’expérience a été marquante : « Malgré le contexte difficile, cet atelier nous a permis de mieux comprendre le rôle des rapports alternatifs. Nous repartons avec des outils concrets pour faire entendre la voix des communautés marginalisées. »
Vers des rapports alternatifs d’ici septembre
À l’issue de l’atelier, les participants ont convenu de se réunir au sein de différents groupes de travail afin de rédiger plusieurs rapports alternatifs, qui seront finalisés d’ici septembre 2025. Ces documents, enrichis des retours professionnels des organisations partenaires, constitueront un apport majeur au processus d’examen du Comité.
Les organisateurs ont rappelé que la soumission de rapports alternatifs n’a pas pour but de stigmatiser l’État, mais d’alimenter un dialogue constructif. L’accent a été mis sur la nécessité de s’appuyer sur les recommandations déjà formulées par le Comité à la RDC en 2017 et lors du dernier Examen périodique universel de la RDC en novembre 2024, pour mesurer les progrès ou les reculs enregistrés.
Une mobilisation à la hauteur des défis
En dépit des difficultés, l’atelier a démontré la capacité de la société civile congolaise à se fédérer, à s’outiller et à s’organiser pour défendre les droits fondamentaux.
Comme l’a résumé une participante : « Dans un contexte où beaucoup de zones échappent au contrôle de l’État, la société civile reste l’une des rares forces à porter la voix des sans-voix. »
L’expérience confirme l’importance de ce type de formation dans la région, tant pour renforcer les capacités techniques des ONG, que pour soutenir la promotion de l’État de droit en RDC.