En RDC: renforcement de la société civile pour mieux dialoguer avec le Comité DH
Published on 10 Jun 2025, 09:10 AM
Le CCPR Centre, la FiACAT et le BCNUDH se mobilisent
Photo de famille des participants le Jour 1
Kinshasa, 05 juin 2025 – Dans un contexte marqué par des défis persistants en matière de droits civils et politiques, une initiative ambitieuse a vu le jour à Kinshasa pour renforcer les capacités de la société civile congolaise. Du 27 au 28 mai 2025, un atelier de formation de haut niveau s’est tenu au siège de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO), réunissant 41 représentant·e·s d’organisations congolaises autour d’un objectif commun : faire entendre leurs voix au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies à travers des rapports alternatifs stratégiques, dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
Organisé par le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l'Homme (BCNUDH) au sein de la MONUSCO et le Programme de renforcement des capacités des organes de traités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH), avec l’appui technique du Centre pour les droits civils et politiques (CCPR Centre) et de la Fédération Internationale des ACAT (FiACAT), cet atelier a marqué une étape essentielle dans la structuration d’un mouvement citoyen apte à participer au processus d’évaluation des engagements internationaux de la RDC.
""Le vrai pouvoir d’impact de la société civile, c’est sa capacité à mettre les droits humains sur l’agenda international par la force des faits, du terrain.""
- Abdoulaye Mar du BCNUDH, citant son Directeur, Patrice Vahard
Une formation au cœur de l’engagement démocratique
M.Abdoulaye Mar, représentant le Directeur du BCNUDH lors de la cérémonie d'ouverture
L’atelier s’inscrivait dans un calendrier particulièrement stratégique. La 145eme session du Comité DH prévue pour octobre 2025 verra en effet le Comité des droits de l’Homme adopter la Liste des points à traiter avant la soumission du rapport de la RDC (LOIPR). Or, c’est précisément à ce stade que les rapports dits alternatifs ou "shadow reports" des ONG peuvent influencer de manière décisive le contenu des questions adressées à l’État congolais.
« Nous avons besoin que les voix de la société civile soient entendues à ce stade, car sans elles, certains abus risquent de passer sous silence, et le dialogue entre le Comité et l’État pourrait rester trop général », a déclaré Abdoulaye Mar du BCNUDH, citant le Directeur du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’Homme, Patrice Vahard : « Le vrai pouvoir d’impact de la société civile, c’est sa capacité à mettre les droits humains sur l’agenda international par la force des faits, du terrain. »
Le CCPR Centre, intervenant principal sur place, a animé les sessions en combinant exposés thématiques, travaux de groupe par cluster du PIDCP (liberté d’expression, accès à la justice, violences fondées sur le genre, etc.) et ateliers de rédaction. Une intervention en visioconférence d’un ancien membre du Comité des droits de l’Homme a permis de lever le voile sur les attentes concrètes du Comité en matière de contenu, de structuration et d’argumentation des rapports.
Des résultats tangibles pour une mobilisation durable
Les défenseurs travaillant en groupe thématique durant l'atelier
Au terme des deux jours, les résultats étaient probants. Des groupes thématiques ont été formés autour de priorités identifiées collectivement, et des ébauches de rapports ont été produites. Mieux encore, plusieurs organisations se sont engagées à finaliser et soumettre leurs rapports avant la date limite du 18 août 2025. Une coalition de défenseurs des droits humains de la RDC est en train de prendre forme, structurée et prête à agir de concert.
Pour André Kangni Afanou, représentant du CCPR Centre, l’importance de cette dynamique est indéniable : « Ce que nous avons vu ici, c’est une société civile qui refuse l’isolement et qui choisit la collaboration. En s’alliant, les ONG congolaises augmentent leur pouvoir d’influence, leur crédibilité, mais aussi leur capacité à obtenir des réponses concrètes de l’État. »
Au-delà des productions en cours, l’atelier a permis de jeter les bases d’un travail pérenne. Une feuille de route claire a été adoptée, incluant un calendrier précis et des modalités d’organisation interne. Chaque groupe thématique a désormais pour mission de produire un rapport ciblé, appuyé par les méthodologies partagées durant l’atelier.
Une coopération internationale exemplaire
Quelques participants posant avec les Représentants du BCNUDH et du CCPR Centre
Cet atelier a également été un modèle de collaboration entre acteurs internationaux et locaux. La complémentarité entre le CCPR Centre, la FIACAT, le HCDH Afrique Centrale et les bureaux onusiens sur place a été largement saluée par les participants.
« La coopération entre les ONG internationales et le système des Nations Unies est essentielle pour garantir que les voix locales accèdent aux espaces de plaidoyer internationaux », a souligné Asita Schrieb, du HCDH Afrique Centrale. « C’est en unissant nos expertises que nous parvenons à outiller les acteurs de terrain dans des contextes aussi complexes que celui de la RDC. »
Du côté des ONG partenaires, l’approche est également saluée. Eméline Swiderski, représentante de la FiACAT, a participé à la formation en ligne. Elle témoigne : « Nous avons pu apporter notre soutien stratégique. Ce genre d’initiative renforce non seulement les capacités techniques, mais aussi la confiance des défenseurs dans leur légitimité à intervenir dans ces processus internationaux. »
Des défis considérables, mais une volonté partagée
Vue d'ensemble de la salle
Dans un pays confronté à des violations persistantes des droits humains, détentions arbitraires, impunité, restrictions aux libertés fondamentales, violences sexuelles, les enjeux du suivi du PIDCP sont immenses. Le travail qui attend les ONG est colossal : documenter, prioriser, rédiger et défendre. Mais l’élan observé à Kinshasa est porteur d’espoir.
Les ONG congolaises semblent désormais prêtes à faire entendre leur voix de manière structurée et stratégique. La mise en place de coalitions thématiques, adossée à une feuille de route réaliste, ouvre la voie à une participation renforcée au prochain cycle d’examen par le Comité des droits de l’Homme.
Une dynamique à pérenniser pour une société civile actrice du changement
Quelques personnes ressources du BCNUDH présentes à l'atelier
Une dynamique à pérenniser pour une société civile actrice du changement
L’atelier de Kinshasa n’a pas seulement permis de transmettre des compétences techniques : il a initié un mouvement. En dotant les organisations congolaises d’outils concrets, d’un calendrier structuré et d’un espace de collaboration, il a semé les graines d’une action collective capable d’influencer les politiques nationales à travers les mécanismes internationaux. Cette dynamique ne demande qu’à être entretenue. Le défi, désormais, est de transformer cet élan ponctuel en un engagement durable et coordonné, où la société civile congolaise s’impose comme un acteur incontournable du dialogue sur les droits humains, aussi bien sur la scène nationale qu’au sein des instances onusiennes.