Plaidoyer, coalition, action : la Guinée-Bissau prépare son rendez-vous avec les Nations Unies

Published on 07 May 2025, 11:00 AM

Suivi de la mise en oeuvre du PIDCP

Photo de famille des participants

Du 27 avril au 3 mai 2025, une mission du CCPR Centre à Bissau a marqué une étape décisive dans le renforcement des capacités de la société civile bissau-guinéenne à dialoguer avec les mécanismes onusiens. À travers un atelier de trois jours, 35 participant·e·s, dont 15 femmes, ont été formé·e·s aux mécanismes du Comité des droits de l’Homme. Cette mission a permis la structuration d’un groupe de travail autour du rapport alternatif, la consolidation d’une coalition d’ONG, et la préparation d’une participation stratégique à la session du Comité prévue en juin à Genève.

Alors que la Guinée-Bissau s’apprête à être examinée pour la première fois par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le CCPR Centre, en partenariat avec le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a conduit une mission stratégique à Bissau du 27 avril au 3 mai 2025.

Dans un contexte de restrictions de l’espace civique, de fragilité institutionnelle et de violations persistantes des droits fondamentaux, cette initiative avait pour objectif de renforcer l’expertise locale, de consolider les dynamiques collectives et de poser les bases d’un plaidoyer coordonné et structuré.

 

"« Grâce à cet accompagnement, nous ne sommes plus de simples observateurs du processus, mais des acteurs capables de porter nos préoccupations jusqu’à Genève.»"

- Edmar Nhaga, 2ᵉ Vice-président de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme.

Un atelier intense et mobilisateur

Mme Camilla Silva Floeistrup du HCDH/UNDP durant sa présentation

Cœur de la mission, l’atelier de formation et de renforcement de capacités, organisé du 28 au 30 avril à Bissau, a rassemblé 35 participant·e·s, parmi lesquels des membres d’ONG locales, des juristes, des défenseur·e·s des droits humains et des représentants de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH). L’activité a été coanimée par André Kangni Afanou (CCPR Centre), Camilla Silva Floeistrup (HCDH) et Camila Gomes (IDDH – Brésil).

Pendant trois jours, les participant·e·s ont exploré les obligations du PIDCP, le fonctionnement du Comité, la méthodologie de production de rapports alternatifs, et les stratégies de plaidoyer à Genève. Les sessions ont alterné exposés, travaux en groupes, lectures croisées des textes, et partages d’expérience.

« Ce type d’atelier est fondamental pour structurer un plaidoyer national crédible, enraciné dans nos réalités », souligne Edmar Nhaga, 2ᵉ vice-président de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme. « Grâce à cet accompagnement, nous ne sommes plus de simples observateurs du processus, mais des acteurs capables de porter nos préoccupations jusqu’à Genève. »

Structuration d’un groupe de travail et consolidation d’une coalition

Une vue de la salle durant les travaux

Au terme de l’atelier, des groupes de travail thématiques ont été constitués sur des axes structurants tels que la justice, la gouvernance, les libertés fondamentales, les droits des groupes vulnérables, l’égalité de genre et la lutte contre la corruption. Ces groupes sont chargés de rédiger les sections du rapport alternatif, dont la version consolidée sera finalisée en mai 2025, en vue de sa soumission officielle au Comité.

Ce processus participatif a également donné naissance à une coalition renforcée d’ONG, désormais outillée pour assurer le suivi de la mise en œuvre du PIDCP sur le long terme, dialoguer avec les mécanismes onusiens et exercer une pression constructive sur les autorités nationales.

« Une société civile structurée, coordonnée et bien informée est indispensable à la mise en œuvre effective du PIDCP. C’est exactement ce que nous avons vu émerger durant cet atelier », affirme André Kangni Afanou, coordinateur Afrique du CCPR Centre. « Au-delà des connaissances juridiques, ce sont des alliances, des stratégies et une vision partagée qui ont été bâties ici. »

Un contexte difficile, une mobilisation exemplaire

Durant l’atelier, les défenseurs ont relevé quelques défis liés à la situation prévalant dans le pays. Ils ont souligné que l'état des droits humains en Guinée-Bissau restait marquée par une impunité persistante et préoccupante. 

Les défenseurs ont rappelé plusieurs cas graves de torture et de mauvais traitements infligés par les forces de sécurité. Des manifestants pacifiques, des opposants politiques et des militant·e·s de la société civile ont été victimes d’arrestations arbitraires, de détentions prolongées sans jugement et de violences physiques, souvent sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit engagée ni aucune sanction prononcée contre les auteurs présumés. Ces pratiques, systématiquement dénoncées dans les rapports alternatifs précédents, continuent de violer l’article 7 du PIDCP et sapent les fondements mêmes de l’État de droit.

La protection des défenseur·e·s des droits humains a également été identifiée comme une priorité absolue. Dans un climat d’intimidation croissante, de surveillance, et parfois de harcèlement judiciaire ou administratif, ces acteurs essentiels paient un lourd tribut à leur engagement. Plusieurs participant·e·s à l’atelier ont souligné que ces dynamiques répressives freinent non seulement leur action, mais compromettent aussi la capacité du pays à honorer ses engagements internationaux. C’est autour de ces violations, et d’autres préoccupations telles que l’indépendance de la justice, la liberté d’expression ou encore les violences fondées sur le genre, que les groupes de travail ont décidé de concentrer leurs efforts de documentation. Ces thèmes structureront la rédaction du rapport alternatif à destination du Comité des droits de l’Homme.

Malgré l’absence remarquée des autorités gouvernementales à l’ouverture de l’atelier, et la prudence affichée par la CNDH, les participant·e·s ont démontré une forte capacité d’analyse, une volonté de coordination et une maîtrise progressive des enjeux internationaux.

Le contexte national, marqué par une instabilité politique chronique, la fragilité de l’État de droit et la méfiance envers les institutions, rend d’autant plus précieuse cette dynamique collective de renforcement des capacités.

« Ce travail collectif, soutenu par le HCDH et le PNUD, illustre ce que la coopération internationale peut produire de plus constructif : des sociétés civiles qui montent en compétence, prennent leur place, et deviennent des partenaires incontournables du changement », Camilla Silva Floeistrup s'exprimant au nom du HCDH/UNDP à Bissau.

Cap sur Genève… et au-delà

Les prochaines étapes sont déjà planifiées : finalisation du rapport, préparation logistique de la participation à Genève, élaboration de déclarations orales, coordination de messages de plaidoyer. Des séances de formation pré-départ et un accompagnement sur place sont prévus pour les représentant·e·s de la délégation.

À leur retour, une session nationale de restitution sera organisée, en vue de diffuser les observations finales du Comité, mobiliser les parties prenantes autour de leur mise en œuvre, et préparer l’Examen Périodique Universel (EPU) à venir.

« L’accompagnement ne s’arrête pas à Genève. Nous voulons voir les recommandations transformées en politiques concrètes », conclut André Kangni Afanou. « C’est en renforçant la capacité des acteurs nationaux que nous créons les conditions d’un changement durable. »

 

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