Examen du Sénégal par le Comité des Droits de l’Homme 19 ans après sa dernière échéance

Published on 01 Nov 2019, 03:42 PM

Enfants mendiants dans la rue (photo credit: ecpat.org)

Depuis sa ratification du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) en 1978, le Sénégal a été soumis à quatre cycles d’examen consécutifs pendant les années ’80 et ’90. Or, lors du cinquième, l’État n’a pas soumis le rapport dans les temps : alors que la reddition de son rapport aurait dû avoir lieu dans le courant de l’année 2000, l’État sénégalais ne l’a rendu qu’en 2018. Selon la délégation sénégalaise, ce retard est dû à des changements internes au sein du gouvernement et, par voie de conséquence, à l’adaptation des procédures de gestion des questions relatives aux droits humains. Aujourd’hui, selon la  déclaration du chef de la délégation, le respect des droits humains et la participation active du Sénégal dans les mécanismes internationaux constituent une priorité absolue pour le pays.

Les 14 et 15 octobre 2019, les membres du Comité des Droits de l’Homme ont eu un dialogue intense et constructif avec la délégation sénégalaise. Après un discours d’ouverture lors duquel le chef de la délégation a fait l’éloge des réalisations en matière d’égalité de genre dans la vie publique et de paix et stabilité dans la région de Casamance, plusieurs autres aspects des droits humains ont été discutés tout au long de l’examen ; notamment : l’enregistrement des naissances, l’apatridie, la primauté du PIDCP sur la loi nationale, le droit à l’information et les crimes dirigés contre la presse, la protection des défenseurs des droits humains et des journalistes, ainsi que la liberté d’expression en général.

Le Comité a exprimé des préoccupations quant à l’usage excessif de la force par la police et  à la peine de mort qui, au Sénégal, a été officiellement abolie en 2004, mais dont la réintroduction est encore prônée par certains fragments de la population. De plus, des questions telles que la discrimination liée à l’orientation sexuelle, aux droits reproductifs de la femme et au viol conjugal ont été traitées, d’une manière toutefois moins minutieuse que les autres questions.

Le streaming complet est disponible via le lien : pt. 1 et pt. 2

"Le Comité a exprimé de sérieuses préoccupations quant aux possibilité de respect, par le Sénégal, du droit à une procédure équitable, tel qu’inscrit dans le PIDCP et, par conséquent, au risque élevé d’impunité des actes de violations des droits humains, l’assistance légale étant restreinte"

- Membre du Comité des Droits de l'Homme

Les enfants talibés dans les écoles coraniques

Le Comité s’est dit préoccupé par les conditions des enfants talibés dans les écoles coraniques (daaras) qui sont contraints par leurs enseignants à mendier de l’argent et de la nourriture dans la rue plusieurs heures par jour, jusqu’à ce qu’ils atteignent leur quota. Ces enfants sont souvent victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles. La situation est aussi préoccupante en ce qui concerne la traite des êtres humains. Le gouvernement sénégalais a adopté des mesures pour faire face à cette pratique répandue, en adoptant en 2010 le Programme de Modernisation des Daaras (PAMOD) ; sa mise en œuvre sporadique manque cependant de cohérence.

En outre, le Comité a demandé des informations sur les mesures prises afin de s’assurer que la Loi nr. 2005-06 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées soit mise en vigueur. Du côté de la Délégation d’État, les réponses fournies ont été lacunaires : il  a été fait mention d’un mécanisme de prévention contre les abus sur les enfants qui vient d’être mis en place au niveau national, et du fait que le Sénégal veillera à ce que les cas où des enseignants d’écoles coraniques commettent des formes de violences, de coercition ou d’exploitation impliquant les talibés fassent l’objet d’enquêtes, de poursuites et de condamnations relevant des procédures pénales plutôt que des procédures administratives.

 

Nombre d’avocats

En ce qui concerne l’indépendance judiciaire, le Comité a abordé la question des avocats pendant l’examen du Sénégal. Sur une population nationale d’environ 16 millions de personnes, le Sénégal a un nombre extrêmement limité d’avocats, dont la majorité est basée et travaille dans la capitale, à Dakar. Selon les statistiques recueillies par des organisations de la société civile, en 2018, il n’y a eu que 30 avocats candidats à l’association du barreau. Les ONGs ont proposé au Comité de recommander l’élargissement de l’accès au barreau aux membres et étudiant.e.s des universités en vue d’accroître les capacités des instances juridiques.

Le Comité a exprimé de sérieuses préoccupations quant aux possibilité de respect, par le Sénégal, du droit à une procédure équitable, tel qu’inscrit dans le PIDCP et, par conséquent, au risque élevé d’impunité des actes de violations des droits humains, l’assistance légale étant restreinte. Suite aux requêtes du Comité visant à obtenir de plus amples informations sur ce sujet, le Sénégal a répondu de manière plutôt insatisfaisante, soutenant que la profession d’avocat est une profession libérale qui fonctionne sur une logique de compétition et que, par conséquent, le gouvernement n’a que peu de marge de manoeuvre. La seule chose qu’il entend faire est d’offrir des incitations économiques aux avocats qui décideraient d’exercer leur métier dans les régions plus rurales du pays.

Détention

Une autre question importante pour le Comité des Droits de l’Homme a été la privation de liberté au Sénégal, en particulier les aspects suivants : a) la détention préventive, b) les cas de décès en prison, c) les conditions de détention.

  1. Le Comité a demandé à la délégation sénégalaise de fournir des solutions au problème structurel de surpopulation carcérale dû à la longue durée des détentions préventives. La Délégation a déclaré que des mesures sont en voie d’adoption pour résoudre ce problème, comme, par exemple, l‘ouverture d’un institut pénitentiaire à Dakar (prévu en novembre 2020). Le débat national sur les peines alternatives à la prison (telles que l’utilisation de bracelets électroniques) est encore peu développé, en raison d’un manque de cadre légal approprié et de préoccupations sur la « dictature électronique ».
  2. Concernant les diverses allégations faites par la société civile à propos du nombre suspect de morts dans les prisons sénégalaises, la Délégation d’État n’a pas fourni d’explications claires sur les causes profondes du problème. Le Comité a souligné que les enquêtes sur le sujet ne sont actuellement pas publiques, et qu’elles ne peuvent, dès lors, pas  corroborer la théorie de l’État selon laquelle les cas de décès en prison sont dus à des causes naturelles.
  3. L’État a déclaré que les conditions de vie en prison se sont améliorées d’une façon significative pendant les dernières années. La Délégation a affirmé que le niveau des soins, de l’alimentation et de l’hygiène a augmenté, particulièrement pour les femmes et les enfants.

Institutions Nationales des Droits Humains (INDH)

Enfin, le Comité a demandé à l’État de fournir quelques clarifications sur la situation actuelle du Comité Sénégalais des Droits Humains (CSDH), qui a perdu en 2012 le statut « A » sous les Principes de Paris en raison de son manque de transparence dans le processus de nomination des membres et dans l’allocation des ressources. La Délégation Sénégalaise partage les mêmes préoccupations et a communiqué que le gouvernement est en train de discuter d’un nouveau décret concernant trois questions : a) l’indépendance et l’augmentation budgétaire, b) la transparence dans la nomination des membres, et c) les installations appropriées sur tout le territoire.

Les recommandations prioritaires du Comité des Droits de l’Homme

Le Comité a adopté ses Observations finales parmi lesquelles figurent plusieurs recommandations. Les recommandations suivantes sont prioritaires et doivent faire l’objet d’un rapport de suivi des autorités dans un délai de deux ans, à savoir le 8 novembre 2021 au plus tard.

Décès en détention

  • prendre des mesures urgentes pour que tous les décès en détention fassent objet d’enquêtes approfondies et impartiales
  • prendre les mesures nécessaires pour que les ayant-droits des victimes obtiennent la réparation
  • prendre les mesures nécessaires pour que les responsables soient poursuivis et sanctionnés proportionnellement à la gravité de leurs actes.

Réfugiés et demandeurs d’asile

  • réviser la législation afin de la rendre compatible avec le Pacte et la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés
  • augmenter les ressources financières et humaines de la Commission nationale d’Éligibilité afin de la rendre plus efficace
  • réduire les délais de réponses aux demandes de reconnaissance de statuts de réfugié
  • réviser la loi nr 61-70 du 7 mars 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, afin d’éviter les risques d’apatridie notamment pour les enfants trouvés sur le territoire sénégalais quel que soit leur âge et les enfants nés de parents étrangers.

Exploitation et maltraitance des enfants

Adopter des mesures urgentes pour mettre fin à la maltraitance, l’exploitation, la traite et toute autre forme de violence et de torture dont son victimes les enfants, notamment :

  • prendre les mesures nécessaires et urgentes en vue mettre fin à toute forme d’exploitation et maltraitance des enfants y compris par des maîtres coraniques dans les Daraa
  • dans le cadre de la Stratégie Nationale de Protection de l’Enfant (SNPE), constituer une base de données nationale sur tous les cas de violence familiale sur enfant, et procéder à une évaluation complète de l’ampleur, des causes et de la nature de cette violence
  • Accélérer l’adoption du code de l’enfant tout en veillant à ce qui’il soit conforme aux dispositions du Pacte
  • Veiller à la stricte application de l’article 298 du Code pénal, qui criminalise les violences physiques et la négligence volontaires envers un enfant, en dotant toute la chaîne judiciaire de moyens adaptés à l’ampleur du phénomène
  • Accélérer l’adoption du projet de loi sur la modernisation des écoles coraniques tout en s’assurant qu’elle soit compatible avec les obligations de l’Etat partie au titre du Pacte, et veiller à ce que la loi adoptée prévoie un système d’inspections doté des ressources nécessaires
  • Permettre aux organisations de la société civile de se constituer partie civile devant les tribunaux dans tous les cas de traite et de maltraitance des enfants

Le prochain dialogue avec le Sénégal est attendu pour l’année 2027.

Brochure du Centre sur les recommandations du Sénégal

La brochure du Centre sur les recommandations est disponible en ligne et en version papier.

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Rules of Procedure of the Human Rights Committee

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