Guinée Bissau: Entre instabilité politique et espoirs de réforme :

Published on 10 Jul 2025, 04:00 PM

La Guinée-Bissau interrogée au Comité DH sur ses engagements en droits humains

Photo de famille des participants à l'atelier de Bissau

En 2025, la Guinée-Bissau a franchi une étape majeure dans sa visibilité internationale en matière de droits humains, en se soumettant à deux des mécanismes onusiens les plus importants dans ce domaine : l’Examen Périodique Universel (EPU) en mai, et l’examen par le Comité des droits de l’Homme en juin.
Ces deux évaluations successives ont placé le pays sous les projecteurs du système des Nations Unies, appelant les autorités à faire preuve de transparence et de responsabilité quant à la situation des droits civils et politiques sur leur territoire.

Ayant ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en 1993, la Guinée-Bissau est tenue de mettre en œuvre l’ensemble des droits énoncés, y compris la liberté d’expression, le droit à la vie, la protection contre la torture, et l’accès à la justice.

"« L’accompagnement du CCPR Centre nous a permis non seulement de comprendre les mécanismes du Comité, mais surtout de bâtir un plaidoyer collectif fondé sur les réalités du terrain. Sans cet appui stratégique, notre participation à Genève n’aurait pas eu le même poids ni la même portée. »"

- Edmar Nhaga, 2ᵉ Vice-président de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme.

Un examen sous tension au Comité des droits de l’Homme

L’examen de la Guinée-Bissau par le Comité des droits de l’Homme s’est tenu à Genève en juin 2025, dans le cadre de la 144ᵉ session du Comité. Ce processus, essentiel pour évaluer la mise en œuvre concrète du PIDCP, a permis de faire remonter une série de préoccupations majeures, relayées tant par les autorités que par la société civile. Grâce à un appui logistique et technique du CCPR Centre et du PNUD Guinée-Bissau, quatre représentants d’organisations de la société civile ont pu participer aux échanges formels et informels avec les membres du Comité, livrant des témoignages précieux sur les réalités de terrain.

Cette implication directe d’acteurs nationaux, soutenue par le CCPR Centre, a renforcé la crédibilité et la pertinence des débats. Le Comité, ne réalisant pas de missions de terrain, dépend largement des rapports alternatifs et des informations indépendantes pour évaluer la situation des droits humains. À cet égard, le rôle des ONG s’est révélé très déterminant

Cinq thèmes majeurs au cœur des préoccupations

Les défenseurs DH préparant leur contribution pour le rapport alternatif envoyé au Comité

Les préoccupations abordées par le Comité recoupent largement celles soulevées un mois plus tôt lors de l’EPU. Cette convergence témoigne d’une cohérence inquiétante sur les défis structurels qui affectent les droits fondamentaux en Guinée-Bissau.

1. Torture, mauvais traitements et impunité : Les rapports soumis aux deux mécanismes révèlent un usage récurrent de la torture par les forces de sécurité, y compris dans des lieux symboliques comme le Palais présidentiel. Les victimes sont souvent des manifestants, opposants politiques ou défenseurs des droits humains. Le Comité a rappelé que de tels actes violent l’article 7 du PIDCP, interdisant la torture en toutes circonstances.

2. Droit à la vie et détentions arbitraires : Le décès en détention de Papa Fanhe, malgré une décision de justice ordonnant sa libération, illustre tragiquement l’absence de respect des droits fondamentaux. Le Comité a jugé que ces actes peuvent constituer des violations de l’article 6 du PIDCP. Le Comité a appelé à une garantie d’accès aux soins en détention et à l’exécution effective des décisions judiciaires.

3. Liberté d’expression et de réunion pacifique : Les entraves à la liberté d’expression et à la participation publique sont multiples : harcèlement des journalistes, arrestations arbitraires, interdiction de manifestations. Ces dérives portent atteinte aux articles 19, 21 et 22 du PIDCP.

4. Indépendance de la justice : Le système judiciaire souffre d’une ingérence politique persistante. La suspension du président de la Cour suprême et le manque d’autonomie financière témoignent d’une justice fragilisée. Les deux mécanismes ont recommandé des réformes structurelles, notamment des nominations sur critères de mérite, des garanties d’indépendance, et un financement stable pour le secteur judiciaire, conformément à l’article 14 du PIDCP.

5. Violences basées sur le genre et discriminations : Les violences faites aux femmes restent préoccupantes : mariages forcés, mutilations génitales féminines, violences domestiques. Si des textes existent, leur application demeure insuffisante. Le Comité a examiné ces atteintes à l’aune des articles 2, 3 et 26 du PIDCP, et appelé à une réforme du système judiciaire plus sensible au genre et à un meilleur soutien aux survivantes.

Un accompagnement préparé en profondeur : poser les fondations d’un plaidoyer structuré

Les participants à l'atelier d'avril 2025 à Bissau

Bien avant les échanges formels tenus à Genève en juin 2025, l’accompagnement du CCPR Centre auprès de la société civile bissau-guinéenne s’est inscrit dans une démarche progressive et structurée. Depuis plusieurs années, le Centre investit dans le renforcement des capacités nationales afin d’encourager une appropriation durable des mécanismes internationaux de protection des droits humains. Dans cette perspective, une mission préparatoire a été menée à Bissau du 27 avril au 1er mai 2025 par le Coordinateur Afrique du Centre, André Kangni Afanou, en partenariat avec le PNUD et le HCDH.

Ce séjour a permis la tenue d’un atelier intensif de trois jours, réunissant plus de 35 participants issus d’organisations de la société civile, de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), et du secteur juridique. À travers des formations techniques, des sessions pratiques et des travaux en groupes thématiques, les participant·e·s ont pu consolider leur compréhension du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et structurer un rapport alternatif collectif en vue de la session du Comité. L’absence des autorités gouvernementales à cet événement n’a en rien entamé la rigueur et la coordination des acteurs présents, qui ont su identifier des axes de plaidoyer pertinents et stratégiques à défendre devant le Comité.

De Bissau à Genève : une société civile prête à porter la voix des oubliés

Les défenseurs en plein travaux lors de l'atelier de Bissau

Forte de cette préparation nationale, une délégation d’acteurs de la société civile s’est rendue à Genève pour participer activement à l’examen de la Guinée-Bissau par le Comité des droits de l’Homme. Leur présence, rendue possible grâce à l’appui logistique et financier du CCPR Centre et du PNUD, a permis de relayer des préoccupations concrètes, fondées sur des réalités vécues par les citoyens et les défenseurs des droits humains sur le terrain.

Pour Edmar Nhaga, 2ᵉ Vice-président de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, l’impact de cet accompagnement a été décisif :

« L’accompagnement du CCPR Centre nous a permis non seulement de comprendre les mécanismes du Comité, mais surtout de bâtir un plaidoyer collectif fondé sur les réalités du terrain. Sans cet appui stratégique, notre participation à Genève n’aurait pas eu le même poids ni la même portée. »

Au-delà de la seule participation à la session, ce processus a renforcé la crédibilité des acteurs nationaux et consolidé une dynamique collective de défense des droits fondamentaux dans un contexte politique tendu. En dépit de l’instabilité institutionnelle, la société civile bissau-guinéenne a su démontrer qu’un plaidoyer structuré, articulé et informé peut influencer positivement le dialogue international sur les droits humains.

Et après Genève ?

Au moment de la publication de cet article, les observations finales du Comité des droits de l’Homme sont encore attendues. Leur diffusion marquera le point de départ d’une nouvelle phase de travail pour les acteurs nationaux : restitution, plaidoyer, suivi de la mise en œuvre. Le CCPR Centre, en collaboration avec ses partenaires, prévoit déjà la diffusion des recommandations à Bissau et la formulation d’un plan de suivi structuré par la société civile.

Objectif : faire en sorte que les recommandations issues de ce processus rigoureux ne restent pas lettre morte, mais se traduisent en réformes concrètes, durables, et centrées sur la dignité des individus.

Rules of Procedure of the Human Rights Committee

Rules of Procedure of the Human Rights Committee CCPR/C/3/Rev.10

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Documents adopted by the Human Rights Committee (November 2012)

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