La France face aux enjeux des libertés fondamentales et des droits des minorités
Published on 08 Nov 2024, 12:43 PM
La France a été examinée par le Comité des droits de l'homme de l'ONU les 22 et 23 octobre 2024, dans un contexte de préoccupations sur les libertés fondamentales et les droits des minorités.
Un grand campement de migrants a été établi mardi dans le nord de Paris. Ce campement illégal se trouvait juste à côté du Stade de France, le stade national français. Image par : Christophe Petit Tesson/dpa/picture alliance
Le Comité des droits de l'homme de l'ONU a examiné le sixième rapport de la France les 22 et 23 octobre 2024. Une large délégation a défendu le rapport du gouvernement et, plutôt que d’accepter les préoccupations du Comité, a présenté la situation des droits de l'homme dans le pays sous un jour favorable. La participation de la société civile a été très importante, avec plusieurs organisations de la société civile (OSC) participant en personne et en ligne, abordant divers sujets, y compris des questions relatives à la France d'outre-mer.
Situation des populations autochtones en Nouvelle-Calédonie
Des gendarmes français lors d'une opération de levée d'un barrage routier à Dumbea, en Nouvelle-Calédonie. Photo par : Delphine Mayeur/AFP
Le Comité des droits de l'homme a posé des questions sur la manière dont la France reconnaît et protège les droits des populations autochtones, particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Les membres ont souligné les tensions concernant l’autodétermination, où les réformes récentes ont suscité des manifestations et des violences. Ils ont demandé des éclaircissements sur les mécanismes permettant d'assurer la consultation des populations autochtones.
La délégation française a répondu en détaillant les mesures prises pour respecter les aspirations des populations autochtones. La France a souligné l'importance de l'Accord de Nouméa, qui assure une gouvernance partagée en Nouvelle-Calédonie, avec le Sénat coutumier représentant les intérêts des Kanaks. Concernant les récents troubles, la France a décidé de reporter les élections provinciales et de ne pas poursuivre les réformes électorales jusqu'en 2025 pour permettre une reprise du dialogue.
Liberté d'expression et manifestations
Le Comité a exprimé des inquiétudes quant à la gestion des manifestations en France, notamment l’usage de la force par la police. Des préoccupations ont été soulevées sur les restrictions imposées aux journalistes couvrant les manifestations et sur les mesures comme les nasses et le gaz lacrymogène, jugées parfois excessives. Le Comité a aussi demandé des explications sur le recours aux arrestations préventives et les restrictions de manifestations pour des motifs de sécurité.
La France a répondu en défendant son cadre légal qui encadre le maintien de l’ordre et protège la liberté de manifester tout en assurant la sécurité publique. Le Schéma national de maintien de l’ordre (SNMO) comprend des dispositions pour garantir un équilibre entre sécurité et liberté d’expression, et des formations sont données aux forces de l’ordre pour limiter l'usage de la force. Concernant les journalistes, la France a précisé qu’ils ont la liberté de couvrir les événements, avec des mesures de coordination mises en place pour leur sécurité. La France a aussi expliqué que les interdictions de manifestations sont des décisions cas par cas, motivées par l’ordre public.
Politique migratoire et droits des migrants
Le Comité a posé des questions sur le traitement des migrants, en particulier dans des zones sensibles comme Calais et Mayotte, et sur l’impact de l’opération de démantèlement des camps de migrants sur leurs droits fondamentaux. Des préoccupations ont aussi été soulevées sur la situation des mineurs non accompagnés et les nouvelles règles qui élargissent les critères d'expulsion, qui pourraient mettre en péril les droits des personnes vulnérables.
La France a indiqué que la politique de « zéro point de fixation » vise à éviter l'installation de camps précaires, en assurant le démantèlement dans le respect des droits des personnes concernées. Un suivi social et une aide au relogement sont proposés lors des évacuations. Concernant les mineurs non accompagnés, la délégation a mentionné des dispositifs d'accueil spécifiques, bien que la pression sur ces structures reste importante. Pour les nouvelles lois sur l'expulsion, la France a assuré que les procédures suivent les exigences internationales, en particulier le principe de non-refoulement pour éviter tout retour vers des pays présentant des risques pour les droits humains.
Regardez à nouveau la session d'examen ici ( jour 1) et ici ( jour 2).
Clause de non-responsabilité : Les transcriptions du dialogue disponibles ici grâce au système Speech-to-Text de l'OMPI ont servi de source principale pour l'article présenté. Bien que toutes les informations aient été soigneusement vérifiées, veuillez vous référer à l'audio ou à la WebTV de l'ONU pour une version officielle du dialogue.
Recommandations du Comité des droits de l'homme
Les observations finales sur le sixième rapport de la France ont été publiées le 7 novembre 2024. L'État partie est prié de fournir, d'ici au 8 novembre 2027, des renseignements sur les recommandations ci-après (résumées) :
Usage excessif de la force par les forces de l’ordre
Respectant les principes d'égalité devant la loi et de non-discrimination, l'État partie devrait :
- (a) Réviser le cadre juridique et les pratiques encadrant l’usage de la force pour garantir leur conformité avec les normes internationales en la matière ;
- (b) Former les forces de l’ordre sur l’usage de la force et des armes conformément aux standards internationaux, avec des mises à jour régulières ;
- (c) Assurer des enquêtes rapides et impartiales sur les allégations d’usage excessif de la force, avec des sanctions pour les responsables et des réparations pour les victimes ;
- (d) Collecter et publier systématiquement des données détaillées sur les cas d’usage excessif ou mortel de la force.
Liberté d’expression
L'État partie devrait :
- (a) Réexaminer l'article 421-2-5 du code pénal sur « l’apologie du terrorisme » pour éviter son utilisation abusive restreignant indûment la liberté d’expression ;
- (b) Étudier la possibilité de légiférer pour faire supporter le coût des procédures-bâillons (SLAPP) aux plaignants sans fondement juridique et permettre un rejet précoce des affaires infondées ;
- (c) S’assurer que les restrictions sur les médias et Internet respectent strictement le Pacte, notamment le principe de proportionnalité, et éviter les interdictions générales ;
- (d) Garantir que les journalistes puissent couvrir les manifestations sans restrictions excessives ni menaces pour leur sécurité, en appliquant efficacement les dispositions amendées du Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO).
Droit de réunion pacifique
À la lumière de l’observation générale no 37 (2020) sur le droit de réunion pacifique, l’État partie devrait :
- (a) Garantir que les principes de nécessité et de proportionnalité soient strictement appliqués lors du maintien de l’ordre pendant les manifestations ;
- (b) Restreindre l’usage des armes aux cas de légitime défense et enquêter de manière impartiale et efficace sur leur utilisation ;
- (c) Reconsidérer l’autorisation des armes intermédiaires, comme les grenades explosives et les lanceurs de balles de défense, en raison des blessures graves subies par les manifestants ;
- (d) Assurer que tout usage excessif de la force fasse l’objet d’une enquête rapide et impartiale, que les responsables soient sanctionnés proportionnellement et que les victimes reçoivent une réparation complète ;
- (e) Former systématiquement les forces de l’ordre aux normes internationales sur l’usage de la force et des armes à feu, ainsi qu’aux techniques non violentes de gestion des foules, comme les méthodes de désescalade ;
- (f) Veiller à ce que les agents des forces de l’ordre soient facilement identifiables pendant leurs missions, notamment par le port systématique et visible de l’identifiant RIO.
Vous trouverez ici toutes les recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales.
Le rapport de suivi de la France sur la mise en œuvre des recommandations est attendu en 2027. La prochaine liste de points à traiter sera adoptée en 2030 et le prochain rapport périodique est attendu en 2031.