Faisant face à un état d’urgence continu, la Tunisie manque au respect des droits de la femme

Published on 31 Mar 2020, 03:01 PM

Comité des Droits de l’Homme – 128ème session – Mars 2020

Hommes confinés dans un centre de détention en Tunisie. Les longues détentions préventives ont engendré une surpopulation carcérale dans tout le pays. Extrait d’un article de Yaël Goujon pour NEON (traduit de l’anglais)

Les 3 et 4 mars 2020 s’est déroulé le sixième examen périodique universel de la Tunisie par le Comité des Droits de l’Homme, traitant de la mise en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le pays. Le précédent examen de la Tunisie avait eu lieu en 2008, avant le Printemps Arabe.

La délégation de l’État tunisien a ouvert la séance en relevant les avancées du pays depuis le dernier examen. Son chef a mentionné la révolution de 2011 et les efforts cruciaux que la société civile tunisienne a déployés durant cette révolution démocratique. L’une des premières réformes a été de lever toutes les réserves concernant le CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), l’État se disant convaincu par le rôle clé que les femmes ont à jouer dans le développement de la paix.

De plus, la délégation a noté les nouvelles ratifications de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi que leur modification pacifique et sans heurts du pouvoir après les élections parlementaires et présidentielles de 2014. Bien que très fière des progrès accomplis, la délégation est consciente qu’« il y a encore des points à améliorer dans notre système législatif et institutionnel » et sait le pays « encore loin d'avoir entériné tous les droits et libertés dont nous avons besoin ».

Parmi les préoccupations soulevées par le Comité figurent la discrimination à l'égard des femmes, la torture et les conditions de détention. Il a également été discuté de l'état d'urgence continu, de la violence contre les femmes, de l'indépendance du pouvoir judiciaire, de la discrimination raciale et de la traite des êtres humains. En ce qui concerne la corruption, un temps considérable a été consacré à l'Autorité anti-corruption en Tunisie et, plus précisément, au fonctionnement de cet organe, au nombre de cas de corruption et aux garanties mises en place.

Les webcast sont visualisables ici : 1ère partie et 2ème partie.

"Nos engagements envers les conventions internationales ... nous obligent à identifier les lacunes et les points faibles en vue de mener à bien la transition démocratique, tout cela dans un contexte politique difficile."

- Chef de délégation (traduit de l’anglais)

Droits de la femme

Aujourd'hui, en Tunisie, la violence et la discrimination basées sur le genre persistent. Parmi les cas de violence enregistrés à l'égard des femmes, seuls 1,4% de leurs auteurs ont été arrêtés, soit 515 individus. Cette statistique inquiète le Comité en raison du nombre élevé d’auteurs de violence au regard du faible nombre d’arrestations concomitantes.

La délégation a pris acte de la nouvelle loi de 2017 qui vise à mettre fin à la violence à l'égard des femmes et des filles. Il s'agit d'une décision juridique historique qui offre de nombreuses nouvelles protections au genre féminin. Elle signale qu’une permanence téléphonique 24h/24 et 7j/7 a été mise en place pour accueillir les plaintes et fournir des conseils aux femmes et aux enfants des groupes vulnérables.

Néanmoins, le Comité a exprimé son inquiétude quant aux ressources financières consacrées aux dispositions et aux instruments énoncés dans cette loi. Par ailleurs, le Comité s’est également dit préoccupé par le faible taux de participation des femmes dans la sphère publique. Le Comité se demande s'il y a une corrélation directe entre le sentiment de stigmatisation de la femme dans la société et le manque de protection du gouvernement. Plus spécifiquement, le Comité a demandé combien de femmes travaillaient comme juges et procureurs, quelle était leur représentation dans les médias et lors des élections de 2019. Ce à quoi l’État a répondu que 45% des juges étaient des femmes. Le Comité a, quant à lui, reçu des informations selon lesquelles les femmes ne représenteraient que 25% du Parlement.

La délégation a imputé le manque de femmes dans le secteur public au fait que « des femmes ne soumettent pas leur candidature à ces postes étant donné leur nature difficile à assumer ». Cette réponse se révèle insatisfaisante pour le Comité qui demande davantage de mesures dans ce domaine.

Discrimination raciale

Il a été rapporté par des ONG locales, documents à l’appui, qu’une ségrégation s’observait dans l’une des régions du pays : certains bus sont ainsi réservés aux blancs tandis que d’autres le sont aux noirs. Actuellement, le Comité ne dispose pas de statistiques juridiques sur le nombre de procédures qui ont été ouvertes sur la base de la discrimination raciale. Il s’est dit extrêmement préoccupé par ces révélations et enjoint la délégation à prendre des mesures contre la discrimination rampante dans son pays.

Le Comité a demandé si l'État avait rédigé un projet de loi sur la discrimination en général, quelle qu’en soit la raison. Il a, par ailleurs, réclamé des informations documentées sur la manière dont la Tunisie déploie des moyens pour lutter contre la discrimination sur le terrain. Il a également suggéré que le Parlement modifie le code pénal pour faire en sorte que toute infraction fondée sur la haine raciale soit considérée comme une infraction aggravée.

En réponse aux questions liées à la discrimination raciale, la délégation a déclaré que la loi criminalisait la discrimination fondée sur la couleur, mais qu'elle n'était toutefois pas considérée comme une circonstance aggravante. La « base légale 50 » de 2015 définit les offenses liées à la  discrimination raciale par un statut particulier ; elles sont une infraction en soi.

La délégation a hésité à admettre l’existence de la discrimination raciale dans son pays. Elle a relaté des anecdotes de voyages dans des régions signalées par le Comité comme touchées par la discrimination raciale en expliquant qu’aucun cas n’avait été constaté dans ces régions. Elle a de surcroît rappelé que nombre de Tunisiens noirs sont au Parlement, dans la magistrature ou figurent parmi les célébrités et les artistes.

Le Comité exprime toutefois la nécessité de fournir des données concrètes pour déterminer le niveau réel de discrimination raciale actuelle dans le pays et estime qu’il ne peut pas s'appuyer sur quelques anecdotes ou récit de voyage.

Détention

Des ONG ont signalé qu'en 2017, environ 21.634 personnes étaient détenues à travers le pays. À ce jour, 51% des détenus attendent, dans des infrastructures fonctionnant à 200% de leur capacité, d'être jugés. Ces nombreuses personnes incarcérées représentent une difficulté, pour le personnel pénitentiaire, à assurer les services nécessaires, tels que les soins ou la distribution de la nourriture. De plus, depuis 2013, on dénombre, en moyenne, 34 décès suspects par année dans les prisons.

Le Comité a demandé à la délégation des informations complémentaires sur le nombre de décès dans les centres de détention, les enquêtes et les résultats de ces enquêtes. Il a également demandé quelles mesures avaient été prises pour réduire le nombre de décès en situation carcérale.

La délégation a répondu aux questions sur la détention provisoire et les arrestations en expliquant que les mêmes règles s'appliquaient dans tout le pays, qu'il y ait ou non état d'urgence ; c'est le code pénal qui régit les procédures. Elle a admis qu'un certain nombre de décisions exceptionnelles pouvaient être prises mais que cela devait se faire dans le respect de toutes les garanties. La délégation a affirmé que son objectif était de lutter contre le terrorisme et sa menace. Elle a, en outre, indiqué avoir considérablement amélioré les conditions de détention après 2015. Le CICR et les ONG ont effectué de nombreuses visites dans les lieux de détention et l'État travaille sur un projet visant à mieux traiter les détenus durant leur détention.

Le Comité a demandé davantage d'informations sur ce sujet et l’établissement de statistiques pour démontrer l'efficacité de ces mesures. 

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